Un autre oiseau dit à la huppe : « Je suis mon propre ennemi ; comment m’aventurer dans ce chemin, puisque j’ai avec moi le voleur qui doit m’arrêter ?
Mon âme concupiscente, mon âme de chien ne veut pas se soumettre ; je ne sais même pas comment sauver mon âme spirituelle. Je reconnais bien le loup dans le champ ; mais cette chienne d’âme, belle en apparence, ne m’est pas encore bien connue.
Je suis dans la stupéfaction à cause de cette âme infidèle, car je voudrais savoir si elle pourrait m’être enfin connue. »
La huppe répondit :
« 0 toi qui es comme un chien toujours errant !
toi qui es foulé aux pieds comme la terre !
ton âme est à la fois louche et borgne.
Elle est vile comme un chien, paresseuse et infidèle.
Si un homme faux s’empare de toi, c’est qu’il est ébloui par le faux éclat de ton âme.
Il n’est pas bon que cette chienne d’âme soit choyée et qu’elle s’engraisse artificieusement.
Dans le commencement de la vie tout a été inutilité, enfantillage, faiblesse et insouciance.
Au milieu de la vie tout a été singularité et démence de jeunesse.
A la fin, lorsque la vieillesse s’empare de nous, l’âme devient languissante et le corps débile.
Avec une telle vie disposée par la folie, comment l’âme pourra-t-elle s’orner des qualités spirituelles ?
Nous vivons dans l’insouciance depuis le commencement jusqu’à la fin, aussi le résultat que nous obtenons est-il nul. Et l’homme finit souvent par obéir à l’âme concupiscente qui asservit tant de gens.
Des milliers de coeurs sont morts de chagrin, et cette chienne d’âme infidèle ne meurt jamais. »