Un autre oiseau dit à la huppe :
« 0 toi qui es clairvoyante ! ce que tu proposes est digne d’attirer l’ambition.
Quoique je sois faible d’apparence, j’ai en réalité une noble ardeur ;
quoique je n’aie que peu de force, j’ai cependant une haute ambition spirituelle. »
La huppe répondit :
« L’aimant de ceux qui sont atteint par le processus mystique qui commence par l’ alast [1] est l’ambition spirituelle la plus haute, c’est elle qui dévoile tout ce qui existe.
Celui qui est animé par cette sublime ambition connaît aussitôt tout ce qui Est.
Quand on possède tant soit peu seulement cette noble ambition, elle nous soumet tout ...même le soleil.
Le point capital du royaume du monde, c’est l’ambition spirituelle.
Cette ambition, c’est l’aile et les plumes de l’oiseau des âmes. »
[1] le pacte de l’Alast est cette nuit où selon la religion musulmanne et la tradition soufie, Dieu créa en une seule fois toutes les âmes destinées à exister, et où, avec l’ensemble de la Création, à l’appel de Dieu : "Ne suis-je pas votre Seigneur ?", elles tressaillirent de joie et répondirent par l’affirmative.
Certains soufis, tel Ruzbehan de Chiraz, disent que seules les âmes des achik (ou amoureux fous) de Dieu répondirent à cet appel par un acte de totale allégeance, un acte d’amour qui faisait qu’à l’écart de la communauté des autres croyants, ils ne souhaitaient et ne demandaient rien d’autre que l’anéantissement dans cet amour, dédaignant les récompenses et les bienfaits réservés aux fidèles en leur paradis.
Comme cette nuit de l’Alast eut lieu sans lieu ni temps, l’évanouissement dans lequel sombre l’âme extasiée rencontrant l’Aimé Sublime est aussi la manifestation de cet autre "espace-temps" dans lequel le soufi est happé, ravi hors de ce monde dans l’extase.