Un autre oiseau dit à la huppe :
"J’aime l’or : l’amour de l’or est en moi comme l’amande dans sa pellicule.
Tant que je n’aurai pas de l’or dans ma main comme j’aurais une rose, je ne pourrai m’épanouir délicieusement comme cette fleur.
L’amour du monde et de l’or du monde m’a rempli de vains désirs et m’a privé de l’intelligence des choses spirituelles."
La huppe répondit :
« 0 toi qui es dans l’ébahissement par l’effet d’une forme extérieure !
toi dont le coeur ne vit jamais l’aurore de la valeur réelle des choses !
apprends que tu n’as pas cessé d’être nyctalope, et que tu es resté, comme la fourmi, étreint par une vaine apparence.
Attache-toi au sens des choses
et ne t’inquiète pas de la forme ;
le sens est l’essentiel, la forme n’est qu’embarras.
Sans la couleur, l’or ne serait qu’un métal ordinaire ;
cependant tu es séduit par sa couleur comme l’enfant.
S’il te détourne de Dieu, il est pour toi une idole.
Ah ! rejette-la loin de toi ; suis mon avis.
Si personne ne tire avantage de ton or,
toi non plus tu n’en profiteras pas.
Au contraire, si tu donnes une obole de ton or à un malheureux,
vous en tirez tous les deux du profit.
(...). Au moyen de l’or, tu es l’ami des hommes ;
mais si ton épaule est marquée, c’est à cause de l’or.
Chaque nouveau mois, il te faut donner le prix de ta boutique, et ce prix c’est ta propre âme.
Mais ton âme précieuse et ta vie chérie te quittent avant que tu puisses gagner une seule obole dans cette boutique.
Tu as tout donné, les choses mêmes auxquelles ton coeur était le plus attaché, pour n’avoir rien.
Mais j’espère que la fortune te tendra une échelle sous la potence.
Il ne faut pas que la religion fasse périr absolument pour toi les choses du monde,
quoique le monde et la religion ne s’accordent guère.
Tu cherches le repos par le travail,
et tu te plains lorsque tu ne le trouves pas.
Dépense de tous côtés ce que tu possèdes,
car tu n’acquerras le bonheur qu’en proportion de ta générosité.
Il faut laisser tout ce qui existe,
il faut même renoncer à la vie.
Si tu ne peux renoncer à la vie, tu peux bien encore moins renoncer à la richesse, aux honneurs ; à ceci, à cela.
N’aurais-tu qu’une couverture grossière pour te coucher,
que ce serait encore une barrière qui t’empêcherait d’entrer dans la voie spirituelle.
Ô toi qui connais la vérité !
brûle cette couverture.
Jusque's à quand agiras-tu avec duplicité envers Dieu ?.
Si tu n’oses brûler aujourd’hui cette couverture, comment pourras-tu demain te débarrasser du vaste linceul de la mort ? »