Puis la perdrix s’approcha,
contente, et marchant avec grâce ;
elle sortit de son trou , timidement et comme en état d’ivresse.
Son bec est rouge, son plumage aurore, le sang bouillonne dans ses yeux.
Tantôt elle vole avec ceinture et épée, tantôt elle tourne la tête devant l’épée.
« Je suis constamment restée dans les ruines, dit-elle, parce que j’aime beaucoup les pierreries.
L’amour des joyaux a allumé un feu dans mon coeur, et il suffit à mon bonheur.
Quand la chaleur de ce feu se manifeste, le gravier que j’ai avalé rougit comme s’il était ensanglanté ; et tu peux voir que lorsque le feu produit son effet, il donne tout de suite à la pierre la couleur du sang
Je suis restée entre la pierre et le feu dans l’inaction et la perplexité.
Ardente et passionnée, je mange du gravier, et, le coeur enflammé, je dors sur la pierre.
Ô mes amis ! ouvrez les yeux,
voyez ce que je mange et comment je dors.
Peut-on provoquer celui qui dort sur une pierre et qui mange des pierres ?
Mon coeur est blessé, dans cet état pénible, par cent chagrins, parce que mon amour pour les pierres précieuses m’attache à la montagne.
Que celui qui aime une chose autre que les joyaux sache que cette chose est transitoire ;
au contraire le règne des joyaux est un établissement éternel ;
ils tiennent par essence à la montagne ;
je connais et la montagne et la pierre précieuse.
Pour chercher le diamant, je ne quitte pas un instant ma ceinture ni mon épée, dont la lame moirée m’offre toujours des diamants, et là même je cherche.
Je n’ai encore trouvé aucune essence dont nature fût supérieure aux pierreries, ni une perle d’aussi belle eau qu’elles.
Or le chemin vers le Simorg est difficile et mon pied reste attaché aux pierres précieuses, comme s’il était enfoncé dans l’argile.
Comment arriverais je bravement auprès du Simorg la main sur la tête et le pied dans la boue ?
Je ne me détourne pas plus du diamant que le feu de sa proie ; ou je meurs, ou je trouve des pierres précieuses.
La noblesse de mon caractère doit se déployer, car celui qui ne l’a pas en partage est sans valeur".
La huppe lui répondit :
" Ô toi qui as toutes les couleurs comme les pierreries tu es un peu boiteuse et donnes des excuses boiteuses.
Le sang de ton coeur teint tes pattes et ton bec, et tu t’avilis à la recherche des joyaux.
Que sont les joyaux, sinon des pierres colorées ?
Et c’est cependant leur amour qui rend ton coeur d’acier sans couleur, elles ne seraient que de communs petits cailloux.
Or celui qui s’attache à la couleur (rang) n’a pas de poids (sang).
Celui qui possède l’odeur ne recherche pas la couleur, comme celui qui recherche le vrai joyau de la qualité foncière ne se contente pas d’une pierre."