Le canard sortit plaintivement de l'eau;
il se rendit à l’assemblée des oiseaux, vêtu de sa plus belle robe, et dit :
« Personne, dans les deux mondes, n’a parlé d’une jolie créature plus pure que moi.
Je fais régulièrement, et à toute heure, l’ablution légale ; puis j’étends sur l’eau le tapis de la prière.
Qui est-ce qui se tient sur l’eau comme moi ? car c’est certainement un pouvoir merveilleux que je possède.
Je suis, parmi les oiseaux, un pénitent aux vues pures, au vêtement pur, à l’habitation toujours pure.
Rien ne me paraît profitable, si ce n’est l’eau, car ma nourriture et ma demeure sont dans l’eau.
Quelque grand que soit le chagrin que j’éprouve, je le lave tout de suite dans l’eau, que je ne quitte jamais.
Il faut que l’eau alimente toujours le ruisseau où je me tiens, car je n’aime pas la terre sèche.
Ce n’est qu’avec l’eau que j’ai affaire ; comment la quitterais-je ?
Tout ce qui vit, vit par l’eau et ne peut absolument pas s’en passer.
Comment pourrais-je traverser les vallées et voler jusqu’au Simorg ?
Comment celui qui se contente, comme moi, de la surface de l’eau, peut-il éprouver le désir de voir le Simorg ?
La huppe lui répondit :
« Ô toi qui te complais dans l’eau !
toi dont l’eau entoure la vie comme il en serait du feu !
tu t’endors mollement sur l’eau, mais une vague vient et t’emporte ;
l’eau n’est bonne que pour ceux n’ont pas le visage net.
Si tu es ainsi, tu fais bien de rechercher l’eau ;
mais combien de temps seras-tu aussi pur que l’eau, puisqu’il te faut voir le visage de tous ceux qui n’ont pas le visage net et qui viennent se baigner ?"