Tous les oiseaux par la terreur et la crainte de la route eurent leurs plumes et leurs ailes pleines de sang, et poussèrent des gémissements.
Ils virent un chemin sans terme...
ils éprouvèrent la peine de l’amour, et ils n’y virent pas de remède.
Le vent du détachement des choses terrestres soufflait tellement en ce lieu que le ciel en avait sa voûte brisée.
Sur ce chemin désert, où le paon du firmament ne sert de rien, comment un oiseau (hormis la huppe) pourrait-il rester un seul instant ?
Aussi les oiseaux, dans la crainte que la vue du chemin leur faisait éprouver, entourèrent-ils, réunis en un même endroit, la huppe, et hors d’eux-mêmes, devenus tous ses disciples (tâlib) pour la voie spirituelle, ils lui dirent
« Ô toi qui connais ce chemin ! nous n’ignorons pas qu’on ne peut se présenter devant le roi que d’une manière très respectueuse.
Mais toi, qui as souvent été en présence de Salomon, et qui t’es assise sur le tapis royal, tu connais tous les usages de l’étiquette,
tu sais où il y a incertitude et où il y a assurance.
Tu as vu aussi les montées et les descentes de cette route, et tu as volé bien des fois autour du monde.
Puisque, au moyen de notre argent, tu es aujourd’hui notre imam pour lier et délier, nous voudrions te voir monter ici sur le minbar (chaire).
Instruis nous,nous qui sommes ta troupe, au sujet du chemin sur lequel nous allons nous engager.
Explique-nous aussi les usages et le cérémonial usités chez les rois ; car nous ne voulons pas nous conduire follement dans cette aventure. Nous trouvons tous des difficultés dans nos esprits et il faut pour ce chemin un esprit libre de soucis.
En t’interrogeant sur les difficultés qui se présentent à nos pensées, nous voulons effacer les doutes de nos esprits.
Dénoue donc dès à présent ces difficultés, afin que nous nous mettions volontiers en route, car nous savons que nous ne pouvons voir clair sur ce long chemin,si nous manquons de tous les renseignements nécessaires.
Lorsque notre esprit sera débarrassé de toute angoisse notre corps se mettra en route, et nous irons poser ensuite notre tête sur le seuil sacré, sans esprit ni corps. »
Alors la huppe se disposa à parler aux oiseaux.
Pour cela, elle s’assit sur un trône avant de commencer son discours.
Quand les oiseaux la virent sur son trône avec sa couronne, ils furent charmés.
Devant elle plus de mille individus de l’armée des oiseaux se formèrent en rangs.
Le rossignol et la tourterelle vinrent ensemble s’adresser à elle.
Comme ils vinrent pour dire la même chose, ils étaient comme deux lecteurs à la douce voix.
Tous les deux firent alors entendre leur chant à tel point que le monde entier en eut connaissance.
Tous ceux qui l’entendirent perdirent le repos, ainsi que le sentiment.
Un état extraordinaire eut lieu pour chacun d’eux ; nul n’était ni dans son assiette, ni hors de lui.
Ensuite la huppe fit son allocution, et souleva par là le voile de la face du Mystère.